« La mer reprend ses droits » : à Pleubian, la montée des eaux menace les habitations
Le verdict est sans appel : 80 habitations de la presqu’île de Lanros à Pleubian sont désormais classées en zone à risque d’inondation. En février 2025, le maire de cette commune des Côtes-d’Armor a rendu publics les résultats des prévisions sur la montée des eaux liée au réchauffement climatique.

Pleubian, une petite commune des Côtes-d’Armor comptant 2 304 habitants, est située à l’extrémité d’une presqu’île. Elle abrite le sillon de Talbert, une flèche littorale composée de galets et de sable. Ce cordon naturel joue un rôle essentiel, en protégeant la côte des assauts des vagues lors des grandes marées, qui pourraient inonder les habitations de la presqu’île de Lanros.
Cette barrière naturelle se fragilise progressivement, laissant l’eau s’infiltrer et gagner du terrain. À cela s’ajoute la montée du niveau de la mer due au réchauffement climatique. Une étude menée par Lannion-Trégor Communauté prévoit un risque accru d’inondation dans un horizon de 30 à 100 ans. Face aux alertes relayées par les médias locaux, certains habitants élèvent la voix et se questionnent sur l’avenir de leur territoire.
«Personne ne nous a averti qu’on vivait en zone inondable, on l’a su grâce aux journaux qui répertorient les zones à risques et grâce au journal de la commune. Bon, on s’en doutait parce qu’on vit à 50 m de la mer. De toute façon, la mer reprend ses droits, c’est ce que je me dis toujours », expose Gérard, 70 ans, ancien de la marine marchande et habitant de la presqu’île depuis plus de 20 ans.
Le marché immobilier local fragilisé
Face à cette réalité, des lois comme la loi Climat et Résilience imposent aux communes, dont Pleubian, d’anticiper l’évolution du trait de côte sur les 30 à 100 prochaines années. Loïc Mahé, maire de Pleubian, s’inquiète des conséquences sur le marché immobilier local. « Ce prévisionnel a évidemment un impact sur la valeur des maisons, que ce soit pour leur vente ou leur transmission en héritage. Nous devons donc informer les habitants dès maintenant », explique le maire de la commune, dans un article de Ouest-France.
Henri Claude, un retraité vivant sur la presqu’île de Lanros depuis 70 ans, confirme que cette préoccupation est largement partagée par les riverains, pour qui la question de la vente de leur bien est devenue centrale. «Nous n’avons pas d’angoisse, mais je sais que certains voisins et voisines si. Il y en a qui ont peur par rapport au prix de l’immobilier plutôt, par peur de ne pas pouvoir vendre s’ils sont en zone dite inondable.»
«La brèche continue de se creuser» Bernard
Les habitants en sont conscients, le risque d’inondation est indéniable. Pour certains, une autre menace plane sur leur logement, une menace liée à l’évolution du sillon due Talbert. «On est vraiment concernés. C’est du prévisionnel, tout dépend du changement climatique, peut être dans 30, 40 ou 50 ans. Y a des risques, c’est certain. Je pense que le risque viendrait plus du sillon de Talbert, surtout s’ il venait à s’écrouler. Parce que bon, la brèche continue de se creuser. Puis, il y a une succession de tempêtes qui arrivent de manière très rapprochée, qui mettent en péril les logements ici », développe Gérard.
Selon ses dires, les tempêtes s’enchaînent et fragilisent le sillon, ainsi que les talus de terre construits par la mairie pour limiter les dégâts. «Il y a quelques années y avait des arbres qui nous protégeaient. Ils sont tombés. Ici, quand ça souffle, ça souffle. Grande marée plus le vent à 114 km, il faut voir comment c’est impressionnant », renchérit l’habitant.
Vingt-neuf autres communes sont également exposées aux risques d’inondation, parmi lesquelles Lannion et la baie de Saint-Quay-Perros. Face à la situation, certains habitants préfèrent en rire. « Lui, il a un bateau derrière au cas où, moi j’ai un kayak, donc ça va, on est sauvé ! Puis on récupère quelques voisins au passage, ah ah ah… Bon, il faut prendre ça à la rigolade, hein. Il faut accepter la vie comme elle vient », plaisantent deux amis.
Du côté des notaires et des agences immobilières, les réactions divergent. Certains ne s’alarment pas, tandis que d’autres pointent du doigt les pouvoirs publics. Pour Christian Tonelli, agent immobilier à Huelgoat, les mairies ont longtemps fait preuve de laxisme concernant les zones à risque. « Aujourd’hui, des propriétaires se retrouvent en difficulté avec leur logement, car il est situé en zone inondable. Dans ces conditions, vendre devient un véritable défi », explique-t-il.
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