ENTRETIEN. À Perros-Guirec, le maire se défend sur le manque de logements sociaux
La commune affiche un taux de logements sociaux de 13 %, bien en deçà des 20 % imposés par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Erven Léon, maire depuis 2014, ne se sent pas obligé de respecter cette contrainte, mais préfère construire en fonction de la demande qu’il “évalue”.

À un an des élections municipales de 2026, le premier édile de Perros-Guirec a accepté de répondre aux questions d’État des lieux sur la problématique des logements sociaux.
Vous êtes maire de Perros-Guirec depuis 2014 et, au moment de votre élection, vous avez affiché la volonté d’augmenter le nombre de logements sociaux. Pourtant, leur part a baissé, passant de 10,08% en 2014 à 9,64% en 2019. Comment expliquez-vous cette baisse ?
Sauf qu’on a quand même créé cent logements sociaux. On était sur une tendance qui n’était pas du tout sur celle-là. Et puis décréter les logements sociaux, ça ne se fait pas du jour au lendemain, entre un projet, le temps de le mettre en œuvre et de contacter les bailleurs sociaux. Entre le moment où vous prenez la décision et le moment où ça se réalise, vous avez entre 3 et 4 ans. Si en proportion vous avez plus de logements qui se créent, le taux de logements sociaux diminue quand-même.
N’y a-t-il pas eu un manque de volonté au début ? Avez-vous essayé d’impulser une dynamique pour construire des logements sociaux ?
Ah non, non, non. La volonté était dès le départ. C’est une nécessité vitale pour Perros-Guirec d’avoir des logements sociaux dans le parcours résidentiel. Pour que les gens qui travaillent à Perros puissent habiter Perros, il faut du logement social. Quand vous partez d’une situation où il n’y avait pas de volonté de faire du logement social ou peu de volonté d’en faire et le moment où vous déclenchez, il faut d’abord voir les bailleurs sociaux, voir sur quel projet ça peut se faire, voir à quel endroit. On a des logements sociaux qui ont mis cinq ans avant d’aboutir, parce qu’on a eu un recours. C’est presque un mandat.
Vous expliquez l’importance de votre retard sur la loi SRU en raison du fait que ça prend beaucoup de temps. Cet argument n’a pas été jugé suffisant par la préfecture. En 2020, Perros-Guirec a été placée pendant un temps en carence…
Oui, de manière lamentable. D’ailleurs, on a été carencés pendant seulement un an. Avec toutes les programmations qu’on avait, c’était totalement anormal qu’on le soit. Si vous voulez, entre ce qui est de la programmation, de ce qui est réalisé, de ce qui est pris en compte, on ne s’y retrouve même pas toujours, nous. Entre ce que le bailleur déclare, le moment où c’est réalisé, le moment où c’est mis en œuvre et le décompte, il y a toujours un écart.
Aujourd’hui, vous construisez beaucoup plus de logements sociaux qu’avant. Ils représentent 13% du parc immobilier de la commune. Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?
C’est toute la difficulté. On a l’obligation d’avoir 20% de logements sociaux. Moi, je raisonne en nombre de logements. De combien la ville de Perros-Guirec a-t-elle besoin de logements sociaux pour que les gens qui travaillent à Perros habitent Perros ? On aura réalisé au bout du bout près de 400 logements sociaux à Perros depuis 2017, en huit ans. J’ai 300 logements sociaux en œuvre actuellement, programmés sous deux ans. On en créera encore d’autres, mais en livrant ceux-ci, on répondra déjà grandement aux besoins. On évalue le besoin. Ça ne sert à rien de faire du logement social s’il n’y a pas de demande.
Selon vous, le fait de ne pas respecter les 20 % de logements sociaux exigés par la loi SRU n’est pas un problème ?
Il faut pouvoir le faire, il faut trouver des bailleurs sociaux. Les bailleurs sociaux ne veulent pas tous investir à Perros. Je pourrais décréter de faire 600 logements sociaux, mais je ne trouverai pas un bailleur. Pour faire des logements sociaux, il faut un bailleur social. Et les bailleurs sociaux, l’État leur a coupé leurs fonds propres, donc ils ne sont pas toujours en capacité. Ce qui compte, c’est aussi la capacité des bailleurs sociaux à faire des logements.
Le fait qu’il y ait des difficultés pour les Perrosiens à se loger à Perros ne réside-t-il pas en partie dans l’importance de la part de logements vacants et de résidences secondaires ? En 2021, d’après l’Insee, ils représentaient respectivement 8.6% et 37.6% du parc immobilier de la commune.
Les logements vacants, je suis d’accord. On n’a pas les outils pour lutter contre. On a officiellement 200 logements vacants à Perros et on n’a pas les outils. La taxe sur les logements vacants est inefficace, donc je ne cesse d’évoquer ça auprès des parlementaires. Qu’on donne aux maires les outils pour supprimer la vacance dans leur commune. Il faut être dissuasif. C’est-à-dire qu’il faut taxer d’abord au logement, à la superficie, et que ça augmente de 30 % tous les ans, par exemple. En parallèle, il faudrait donner des subventions ou des facilités de prêt pour aménager, afin d’en faire une résidence principale ou du locatif à l’année. Croyez-moi, si c’était le cas, je n’aurais plus 200 logements de vacants.
Et concernant les résidences secondaires ? À Perros-Guirec, il y en a quatre fois plus que de logements vacants… Essayez-vous de lutter contre les résidences secondaires ?
Non, je ne lutte pas contre les résidences secondaires. Non, non, non. Quand une ville balnéaire comme Perros a moins de 40 % de résidents secondaires, c’est très raisonnable. Après, les résidences secondaires, il y a 10 000 cas de figure. Certaines sont des biens familiaux. À Perros, je suis sûr que c’est le cas pour plus de la moitié. Il y a des gens qui en achètent mais pour faire de la location de meubles et de tourisme. Et puis, il y a la résidence secondaire pure où les gens achètent pour venir en vacances. On a mis en place une surtaxe de la taxe d’habitation de 60 %. C’est le maximum, mais on ne l’a pas mise en place pour son aspect dissuasif.
Et ça, ça ne contribue pas aux problèmes que peuvent avoir les Perrosiens à se loger dans la ville ?
Ce qui participe aux problèmes, c’est la disparition de l’offre ou la faiblesse de l’offre de meublés de locatif à l’année. C’est une vraie réalité et la meilleure façon d’y répondre, c’est de faire du logement social. De là, vous avez la garantie d’avoir du locatif à l’année et tout le temps. Voilà. Et il faut savoir que 70% de la population perrosienne est éligible au logement social.
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