Hausse des loyers, mauvaise isolation, manque de considération : le bailleur social costarmoricain est accusé par certains occupants de ses plus de 1600 logements lannionnais de mal entretenir son parc immobilier et de ne pas les considérer correctement. Certains d’entre-eux ont constitué un collectif. La façade de l’immeuble de Marie-Hélène Demange est semblable à celles de tous les autres de son quartier. D’un blanc immaculé, elle n’est habillée que par quelques dizaines de balcons étroits. Ses sept étages ne lui permettent pas de dépasser les bâtiments voisins. Dans le quartier des Fontaines, il y a beaucoup de grands ensembles. Ils accueillent une partie des 1800 logements sociaux que compte la commune. Celui de Marie-Hélène Demange appartient à Terre d’Armor Habitat, comme plus de 90 % du parc social lannionnais. Lire aussi : Lannion-Trégor Communauté : le logement sous pression « J’habite dans cet appartement depuis 2019, explique-t-elle. Chaque année, les loyers augmentent, augmentent, mais rien n’est fait. » Depuis près de six ans, elle est installée aux Fontaines. Depuis presque aussi longtemps, elle critique son bailleur. 7°C en hiver Si la locataire est en colère, c’est parce qu’elle passe ses hivers dans le froid. « Cet hiver, j’ai eu 10°C, glisse-t-elle. Et encore, cette année, ça allait. Une fois j’ai eu 7°C. » En cause, selon elle, la mauvaise isolation de son appartement. Contrairement aux quartiers Ar Santé et Ker Uhel, Les Fontaines n’ont pas connu d’opération de rénovation ces dernières années. Les problèmes de logements y sont donc davantage prégnants. En posant une main sur les montants en bois de sa fenêtre, on sent bien un filet d’air froid continu. « J’ai le vitrage d’origine. Il date des années 60. Des fois, vous voyez les rideaux bouger tout seul. On dirait des petits fantômes, s’amuse presque Marie-Hélène Demange. Alors pas le choix, on s’y fait. On sort les couettes. » Elle désigne un tas de duvets soigneusement pliés sur son canapé. Ici, les locataires n’ont pas la main sur la température dans leur logement. Terre d’Armor Habitat contrôle les radiateurs grâce à un chauffage collectif. En cas de température insuffisante, impossible de monter le thermostat soi-même. « Quand on se dit que ça doit chauffer tout le bâtiment, ce n’est pas adapté. Pour éviter le froid, beaucoup de personnes rajoutent chez elles des radiateurs électriques, mais c’est une double facture. » À trois kilomètres des immeubles de Marie-Hélène Demange, cité Saint-Roch, Terre d’Armor Habitat exploite plusieurs dizaines d’autres logements. Trente bâtisses, soixante logis mitoyens et, là aussi, des problèmes d’isolation. Depuis 2016, Claude Guibert y habite. Le retraité rencontre aussi des problèmes avec « l’isolation sommaire » de sa maison. « Tout le quartier est concerné », explique-t-il. Dès son installation, il souhaite faire des travaux. « On a voulu refaire l’extérieur. On nous a dit : « Non non, ne le faites pas. On va isoler » », raconte-t-il. Depuis ? Plus rien. « On les a appelés, on a envoyé des lettres recommandées. Ils s’en foutent. On nous répond : « C’est en cours, c’est en cours ». C’est en cours depuis huit ans. Moi je veux bien, mais on a du mal à y croire », se désole l’occupant. Devant son insistance, le bailleur social effectue trois diagnostics de performance énergétique (DPE). Résultat : D. « Ce sont des constructions des années 70 avec les prérogatives de 1970. Le résultat des DPE est D. Ces logements sont en D », explique Sandrine Burel, adjointe à la responsable d’agence du Trégor. « Pour moi, c’est des DPE bidons, réagit Claude Guibert. Je suis plus bas que ça. Ces maisons ne sont pas de toute jeunesse. Il faut arrêter, ce n’est pas possible. » « On nous disait qu’on était D, abonde Marie-Hélène Demange. Mais non, on est F ou G. » À l’appui, un bilan de son logement effectué par une entreprise indépendante. Pour protester contre le bailleur social, un collectif a été monté début 2023 pour faire remonter toutes les problématiques des habitants. « On a payé une entreprise pour faire un nouveau DPE », explique Carine Weber, membre du collectif et ex-candidate pour le Parti des Travailleurs aux élections municipales 2020 et aux élections européennes 2024. Nous avons pu consulter ce bilan qui fait chuter la note de l’appartement de Marie-Hélène Demange. Il passe de D à F et devient une passoire énergétique. « Quand on leur a opposé ça, ils ont accusé notre diagnostiqueur de mentir. Nous, on ne le connaissait pas. On l’a juste payé pour qu’il vienne faire le DPE », défend Carine Weber. Des hausses de loyers qui ne passent pas En parallèle des problèmes d’isolation, Marie-Hélène Demange et le collectif sont indignés par les hausses de loyer de ces dernières années. Le loyer et les charges de la locataire augmentent tous les ans. Cumulés, ils sont passés de 460€ à son installation en 2019 à presque 580€ en janvier 2025. Une augmentation de ses dépenses de 120€ tous les mois. « C’est énorme », lâche-t-elle, dépitée. « S’ils veulent louer en l’état, il faut diminuer les loyers », glisse Claude Guibert. Carine Weber précise les doléances du collectif : « Ce qu’on demande, dans la mesure où les travaux d’isolation ne sont pas faits, c’est qu’ils n’augmentent pas les charges de chauffage. On a tout une population qui a des petits revenus qui se retrouve à payer 100 euros par mois pour payer le chauffage mais il fait froid. Ils ont plus que doublé le prix du chauffage. » « On applique ce que la réglementation nous autorise », répond Sandrine Burel, adjointe à la responsable de l’agence du Trégor. « Cette année, le conseil d’administration a décidé d’appliquer le maximum ». Au 1er janvier 2025, les loyers de l’ensemble du parc de Terre d’Armor Habitat ont ainsi augmenté de 3,26%. « Il faut savoir que l’État a réduit les montants des APL pour les locataires des logements sociaux et a demandé aux bailleurs sociaux de compenser cette perte pour les locataires, poursuit